Martin Olivera est anthropologue et membre de l’Observatoire européen Urba-Rom
Les Roms sont-ils une communauté à part ?
Martin Olivera : Deux discours
opposés font cette supposition. D’un
côté, les États leur réservent un traitement particulier, considérant qu’il
s’agit d’une minorité socialement
problématique. De l’autre, les associations qui les défendent en font un
peuple martyr, apatride et pauvre
fuyant les persécutions de l’Est vers
l’Ouest depuis la nuit des temps. Cette
image est liée à la figure du Tsigane,
ancien mot pour dire Rom, en tant
que marginal. Elle est née au XIXe siècle et implique que ces
groupes germaniques, andalous ou
balkaniques forment une seule et
même entité. Ce mythe est apparu
au moment de la création des États-nations. Certains groupes ne rentraient pas dans les cases car ils main-
tenaient des solidarités locales,
appartenaient à des réseaux familiaux
étendus, maintenaient une activité
artisanale ou commerciale qui ne
correspond pas au développement
du prolétariat d’alors.
Alors, qu’est ce qu’un Rom ?
M. O. : Aux yeux des intéressés,
le groupe « Rom » en tant que minorité transnationale européenne n’a
pas de sens. Il y a plus de points communs entre un Roumain et un Rom
roumain qu’entre un Rom roumain
et un Gitan andalou. Chaque groupe est le produit d’un contexte local. Le
seul point qu’ils ont en commun,
c’est la catégorisation qui en est faite
par les sociétés européennes. Les Roms dont on parle en ce moment dans la presse sont roumains,
et ont émigré dans les années 1990
et 2000, quand toutes les couches
populaires de Roumanie ont été appauvries par l’avènement d’une économie de marché débridée. Comme
les précédentes vagues migratoires,
ils sont venus à l’Ouest pour gagner
de l’argent, dans la perspective de
revenir « au pays », qu’ils considèrent
comme leur pays d’origine.
À quoi sont dues les discriminations
dont ils font l’objet ?
M. O. : Le stéréotype se reproduit
tout seul : si on pense qu’un Rom, c’est quelqu’un qui mendie et qui vit
dans un bidonville, on ne voit que
ceux qui vivent dans ces conditions,
et pas les autres situations qui sont
invisibles. Le préjugé n’est jamais
remis en cause. D’autre part, en
France, les Roms sont exclus du marché du travail. Issus de milieux ruraux,
ils utilisent des savoir-faire pour réaliser des besognes en marge de la
légalité : récupération de métaux,
vente de fleurs, mendicité, etc. En
Roumanie, certains étaient ouvriers
dans les usines d’État et étaient sédentaires. Ce sont leurs conditions
d’existence qui les mènent à ce mode
de vie et non une quelconque caractéristique ethnique.
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