mercredi 1 août 2012

Les organisateurs de colonies de vacances confrontés au Ramadan



Quatre animateurs d’une colonie de vacances ont été suspendus par la mairie de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) parce qu’ils faisaient le Ramadan. Les organisateurs de vacances, qui doivent à la fois assurer la sécurité et respecter les droits et libertés de leurs salariés, ont parfois du mal à concilier les deux. 



Hier, le site d’actualité Bondy Blog révélait que quatre animateurs d’un séjour sportif à Port-d’Albret, dans les Landes, avaient été suspendus de leurs fonctions par la mairie de Gennevilliers, organisatrice du séjour, vendredi dernier. Leur faute : avoir observé le jeûne du Ramadan, alors que leur contrat de travail stipulait qu’ils devaient « veiller à ce que les enfants et eux-mêmes se restaurent et s’hydratent convenablement, en particulier durant les repas ». « On a reçu la visite du responsable des centres de vacances. Il est venu voir si tout se déroulait correctement avec les enfants, et c’était le cas, puis il est venu déjeuner avec nous. Il s’est mis à ma table et a remarqué qu’à l’heure du déjeuner, je ne mangeais pas et Moussa non plus », a expliqué au Bondy Blog l’un des animateurs, prénommé Nassim. À la suite de cette visite, la mairie de Gennevilliers a estimé que les animateurs « n’avaient pas respecté, en cours de séjour, les obligations de leur contrat de travail, pouvant ainsi mettre en cause la sécurité physique des enfants dont ils avaient la responsabilité ». Et les a suspendus. 

« Il y a trois ans, une jeune animatrice qui avait refusé de s’alimenter avait fait un malaise, a justifié la directrice du cabinet du maire, Nicole Varet. Elle a eu un accident avec des blessés graves, notamment un enfant. » « Inadmissible », estiment les animateurs visés par la procédure. Il n’est pas prouvé qu’en sautant un repas, on n’est pas en pleine possession de ses moyens », a déclaré Samir, l’un d’entre eux. L’affaire de Genevilliers a d’ores et déjà déclenché de vifs débats. « Nous réfléchissons à aller devant les prud’hommes pour avoir des réponses claires à nos questions : Est-ce qu’une personne a le droit de ne pas manger le midi ? Est-ce que les médecins qui pratiquent le Ramadan mettent en danger la vie de leurs patients ? » 

Une atteinte aux droits des salariés

Les organisateurs de vacances doivent en fait composer avec des exigences contradictoires. Le code de l’action sociale et des familles, qui réglemente les accueils collectifs de mineurs, affirme que l’organisateur doit « assurer la sécurité morale et physique » des mineurs accueillis. Le fait d’observer le Ramadan y fait-il obstacle ? « Il n’y a pas de disposition légale sur le jeûne. Un employeur ne peut pas porter atteinte aux droits et libertés individuelles du salarié, sauf si cette atteinte est justifiée et proportionnée au but recherché. En l’occurrence, la sanction ne me paraît pas répondre au critère de proportionnalité », analyse Ridha Ben Hamza, professeur de droit social à la Sorbonne. « Nous sommes dans une situation difficile car la loi est ambiguë et, de fait, beaucoup d’animateurs observent le Ramadan, explique Jean- Karl Deschamps, secrétaire national de la Ligue de l’enseignement, l’un des principaux organisateurs de vacances. "Nous tentons de gérer raisonnablement ce type de contraintes : nous évitons que les animateurs qui jeûnent pratiquent une activité sportive intense. On règle la question au cas par cas, avec un principe : les choix privés des moniteurs ne doivent pas s’imposer aux mineurs. Si les animateurs de Gennevilliers passent devant les prud’hommes, alors nous saurons à quoi nous en tenir. »

D’ores et déjà, l’affaire a déclenché de vives réactions. Le Conseil français du culte musulman envisage une plainte pour discrimination contre la décision de la mairie de Gennevilliers. Son repré- sentant, Abdallah Zekri, président de l’Observatoire de l’islamophobie, l’a qualifiée d’« arbitraire et discriminatoire » : « La liberté religieuse est une liberté fondamentale et on ne peut en aucun cas interdire à une personne de pratiquer sa religion. »

Elsa Sabado
Publié le 1er août 2012 dans La Croix

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire