mardi 24 juillet 2012

Pink ministre



Dominique Bertinotti, historienne et ancienne maire du 4e arrondissement de Paris, veut être la ministre « de toutes les familles ».



Entourée de conseillers et d’élus vêtus de costumes sombres, Do- minique Bertinotti, la nouvelle ministre de la famille, détonne. À 58 ans, son teint est relevé par une tenue noire et une écharpe d’un rose éclatant dont elle se départit rarement. Au programme ce jour-là : le siège de l’Union départementale des associations fami- liales de Seine-Saint-Denis, et deux structures associatives à Pierrefitte. 

À chaque fois, la même scène se répète : elle écoute, interroge, aide les citoyens à formuler leurs difficultés, puis conclut. Dominique Bertinotti retrouve là ses vieux réflexes d’enseignante. Un métier qu’elle a exercé en collège comme professeur d’histoire-géographie dans ce département de la région parisienne, à Dugny, puis à l’université d’Amiens et de Paris VII. Elle en garde les réflexes de pédagogue mais également un petit côté donneur de leçon. «Où sont les pères?», demande-t-elle, agacée, aux mères de famille venues à sa rencontre. Quand deux col- légiennes lui parlent de leur projet vidéo, elle leur répond famille et inégalités homme-femme, pour clore : « Ce n’est pas moi qui vais te dire que les filles doivent prendre toute leur place », tout en le disant quand même. 

C’est que Dominique Bertinotti est très préoccupée par la place des femmes dans la société. Question d’expérience personnelle : en 1993, elle se présente aux élections municipales dans le 4e arrondissement de Paris. « Pour prendre une veste, une femme fera l’affaire ! », entend- elle de la bouche d’un camarade socialiste. « J’ai trouvé, dans le milieu politique, un machisme que je n’avais jamais rencontré ni dans mon éducation ni dans mon métier », se souvient la ministre avec indignation. Elle n’est pas pour autant une féministe radicale : « Si je suis totalement engagée contre les inégalités salariales, je n’ai pas de tabou. Je ne suis pas du genre “non au mariage”, ou “famille, je vous hais”». 

Elle-même mère d’un fils âgé aujourd’hui de 30 ans, Dominique Bertinotti a l’ambition de dépasser la contradiction historique entre socialisme et famille. « Je dis aux adversaires du mariage homosexuel : vous m’attaquez, alors que c’est moi qui vais promouvoir la valeur famille, s’exclame-t-elle. Aujourd’hui, les citoyens ont besoin d’un cercle de proximité, la famille. Il en existe une pluralité de modèles. L’État n’a pas à les juger, ce sont les fa- milles qui décident, par contre, c’est notre responsabilité d’assurer l’égalité des situations. »

C’est elle qui a été choisie pour mener à bien l’engagement 31 de François Hollande, qu’elle préfère appeler le « mariage pour tous ». Si cette férue de politique locale a hérité du portefeuille de la famille, c’est parce qu’elle est une proche de Ségolène Royal et parce qu’elle fut maire du Marais, un quartier parisien où vivent nombre d’homosexuels. Pourtant, elle se défend de tout clien- télisme : « La République s’adresse à tous les citoyens, quels que soient leurs choix de religion ou de vie... » Une réforme qui, elle le sait, ne fait pas l’unanimité. Invitée au congrès de l’Union nationale des associations familiales, la ministre a eu droit aux sifflets. « Mais j’ai tenu. Si le débat est vif, il fera progresser la société dans son ensemble. » 

C’est par François Mitterrand que Dominique Bertinotti est venue à la politique. Avant d’entrer au PS, elle a fait son doctorat sur sa vision de la France. Il l’a ensuite chargée de suivre pour lui les archives présidentielles. Son ralliement à Ségolène Royal date de 2006. L’historienne lui ressemble par le style comme par la manière de s’exprimer. Et c’est en utilisant la démocratie participative qu’elle veut remplir sa mission. Sur la question de la petite enfance, elle attend la concertation avant de se lancer dans les réformes : « L’État “stratège” dont parle François Hollande ne doit pas se substituer aux associations, affirme-t-elle lors de chaque rencontre. Son rôle consiste à mieux coordonner les initiatives locales qui existent déjà, et à simplifier la vie aux citoyens qui se perdent dans le dédale administratif, afin de garantir l’égalité territoriale. » 

Elsa Sabado 
Publié le 24 juillet 2012 dans La Croix

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