lundi 25 février 2013

A la recherche du véritable canard laqué pékinois


Le Nouveau Village Tao-tao est l’un des spécialistes parisiens du canard laqué. C’est aussi un coquet établissement, dont nous avons tenté de percer les secrets de cuisine. 


Le Cyril Lignac du canard laqué fuit la presse. Il exerce son art dans les cuisines du Nouveau Village Tao-Tao, au 159 boulevard Vincent Auriol. Le 13 du Mois a envoyé ses plus fins limiers à la recherche de la recette star de ce restaurant : le véritable canard laqué pékinois. L’enquête a commencé, un vendredi glacial du mois de janvier, par une petite visite de routine dans la brasserie. Entrons : une cascade d’eau murmure sur la gauche, diffusant une ambiance zen. Mais dans l’aquarium géant, un mastodonte blanc à tête de pitbull monte la garde à l’entrée du temple du canard. Une fois notre effroi surmonté, un maître d’hôtel en costume trois pièces, tout droit sorti du dernier James Bond, apparaît. « Nous voudrions décrire le parcours du canard laqué, de son arrivée au restaurant jusque dans l’assiette », lui révélons-nous. « C’est notre spécialité », réplique-t-il d’une voix suave. Et puis, le maître d’hôtel finit sa phrase : « Mais le cuistot n’est pas un bavard... » Supplications, persuasion, rien n’y fait. Au bout de dix minutes, à bout, notre hôte sort son joker : « Je ne peux décider de rien, attendez plutôt madame Ung, la patronne. » Nous décidons d’aller goûter le canard laqué : peut-être pourrons-nous reconstituer la recette de l’oiseau pékinois à partir du goût du plat, comme dans Ratatouille

Tout est bon dans le canard

Attablés dans un coin de l’immense salle du Nouveau Village, entre les dorures chinoises et les yukas, nous passons commande. Le demi-canard laqué a un défaut : nous n’aurons pas le privilège de goûter la tête du volatile, contrairement à la formule « Canard entier ». Le serveur revient rapidement, poussant un chariot en aluminium sur lequel trône notre gibier. De son grand couteau, il détache délicatement les lambeaux de peau grillée et les dispose en quinconce sur notre assiette. « Prenez une crêpe de riz, tartinez-la avec la sauce huître-beurre de cacahuète, glissez dedans la peau du canard et quelques brins de poireau cru », explique-t-il avec pédagogie. La première phase de dégustation est réussie : distrayante, elle demande de mettre en action vos compétences manuelles, et ravit vos papilles, car la peau est croquante à souhait. La seconde l’est moins : quelques minutes plus tard, la chair du canard arrive dans nos assiettes, pléthorique et assaisonnée d’une épaisse sauce aigre- douce, de poivrons et de carottes. Plus que repus, nous en sommes à la commande des cafés lorsque se manifeste la fameuse madame Ung. 

Importé de Chine, mariné et rôti au resto

Joséphine Ung est la femme de l’un des patrons. Ces trois frères, qui ont ouvert le Nouveau Village Tao Tao en mai 1989, sont des Cambodgiens d’origine chinoise. « Nous fuyions alors le régime de Pol Pot et des Khmers rouges », explique madame Ung. C’est une famille de commerçants. « Nous ne savons pas faire la cuisine, mais nous savons trouver de bons cuisiniers. Celui-ci vient de Hong Kong et travaille au restaurant depuis sa création », explique la restauratrice. Cette coquette quadragénaire délivre quelques indices sur la recette du cachotier. « Chaque semaine, un arrivage de canard congelé débarque de Londres ou de Hollande. Les canards français sont bien trop grands et gras pour que leur peau soit fine, explique madame Ung. Il faut décongeler le canard, le tremper dans le bouillon, le laisser mariner une nuit, l’égoutter puis le faire rôtir, pendu par les pattes dans un four spécialement dédié à cet effet. » Le canard laqué peut être servi avec des nouilles, mais aussi avec de la soupe de tofu, chou chinois et gingembre, ou avec des brocolis. « On peut aussi l’agrémenter d’ananas ou simplement l’assaisonner de sel et de poivre », conclut madame Ung. Alors voilà pour la recette du canard laqué, que nous n’aurons pu voir à l’œuvre. Tant pis pour les secrets du Hongkongais car, comme dirait Marcel Proust, le meilleur des critiques culinaires : « On aime que ce qu’on ne possède pas tout entier. » 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire